On suppose que des esclaves de la Grèce, révoltés contre leurs maîtres, se sont réfugiés dans une île qu'ils habitent depuis cent ans. Dans les premiers temps, lorsque le ressentiment des outrages qu'ils avaient reçus était encore vif, ils ôtaient la vie à tous les hommes libres qui tombaient en leur pouvoir ; mais au bout de vingt ans, ils remplacent cette loi cruelle par une loi toute bienveillante : ils ne cherchent plus à se venger de ces maîtres d'abord si odieux, mais à les corriger, et pour cela ils les retiennent en esclavage, s'efforcent de les rendre sensibles aux maux qu'on y éprouve, et leur font subir pendant trois ans tous les désagréments d'une dépendance qu'ils regardent avec raison comme une école d'humanité. Nous nous demanderons, en passant, comment un peuple assez sage pour faire entrer une telle idée dans sa législation, a pu commencer par jouir de vingt années d'une horrible vengeance. N'importe, la loi existe, et c'est sur elle qu'est appuyée la fable légère de cette petite comédie.